Le 30 mars 2010, il y a 10 ans jour pour jour, une bouteille de champagne fut brisée, au sens figuré, sur la proue du Grand collisionneur de hadrons (et plusieurs autres ont été débouchées au sens propre) : l’accélérateur phare du CERN se préparait à entreprendre un périple de tous les records, en produisant les premières collisions de protons à une énergie de 3,5 téraélectronvolts (TeV) par faisceau, avec à la clé la promesse d’explorer d’étranges nouveaux mondes à la frontière des hautes énergies. Depuis, le plus grand instrument scientifique jamais construit a permis aux scientifiques d’étudier divers phénomènes de physique, des travaux couronnés par la découverte du boson de Higgs en 2012.

A screenshot of a control screen showing the LHC’s status at 13:30 on 30 March 2010. The text on top says 'Proton Physics: Stable Beams' and the image shows a graph for two proton beams at 3.5 teraelectronvolts each.
La Page 1 du LHC juste après les premières collisions de haute énergie dans le LHC. Cette page indique l’état de fonctionnement de l’accélérateur. (Image : CERN)

Le LHC n’a pas été construit uniquement pour chercher le boson de Higgs ou pour prouver, au contraire, qu’il n’existait pas ! Ces dix dernières années, il a permis aux scientifiques de tester le Modèle standard de la physique des particules avec une précision jamais atteinte auparavant, confirmant la solidité de la théorie. Outre les collisions proton-proton, qui sont le lot quotidien du LHC, les scientifiques ont utilisé des collisions de noyaux de plomb pour recréer et étudier les conditions qui existaient dans l’Univers primordial, lorsque les quarks et les gluons se déplaçaient librement. Par ailleurs, le boson de Higgs, particule élémentaire sans moment angulaire intrinsèque, la première de ce type, a ouvert à la physique des perspectives entièrement nouvelles.

Le chemin menant aux collisions proton-proton à l’échelle du téraélectronvolt était jalonné d’obstacles. Tout commence en 1977, lorsqu’une machine, qui deviendra plus tard le LHC, est imaginée pour la première fois. Jamais auparavant un collisionneur de hadrons de cette taille et de cette énergie n’avait été construit. Il faut donc développer l’expertise technique et scientifique nécessaire pour mener à bien le projet. Des collaborations mondiales sont formées pour concevoir et construire un détecteur à chacun des quatre points de collision le long de l’anneau.

Des faisceaux de protons traversent la machine pour la première fois le 10 septembre 2008, mais une panne électrique survenue seulement neuf jours plus tard met l’accélérateur hors service pendant plus d’une année. Les premières collisions de basse énergie sont enregistrées le 23 novembre 2009. Une semaine plus tard, le LHC reprend le flambeau du Tevatron de Fermilab comme le collisionneur produisant les énergies les plus élevées du monde, atteignant 1,18 TeV par faisceau. En mars de l’année suivante, le LHC entre en terra incognita en réalisant des collisions à une énergie de 3,5 TeV par faisceau. Ce jour-là, lorsque les quatre grands détecteurs du LHC - ALICE, ATLAS, CMS et LHCb - observent pour la première fois les débris de collisions de haute énergie, le Centre de contrôle du CERN retentit d’un tonnerre d’applaudissements accompagnés de larmes de joie et de soulagement. C’est le couronnement de 30 ans de rêves, de projets et de dévouement. Les premiers articles présentant les résultats initiaux sont publiés quelques jours plus tard et, en quelques mois, le LHC permet de « redécouvrir » les particules du Modèle standard, alors que des décennies avaient été nécessaires pour les mettre en lumière.

Revivez les instants qui ont mené aux premières collisions de haute énergie du LHC (Vidéo : CERN)

Au cours des dix années qui ont suivi, nous avons été témoins des capacités extraordinaires non seulement du LHC, mais également des détecteurs qui enregistrent les données issues des collisions. Si les performances de l’accélérateur ont dépassé toutes les attentes, il en va de même pour ces appareils expérimentaux, qui enregistrent, chaque instant, un nombre de collisions bien plus important que celui pour lequel ils avaient été conçus tout en filtrant les collisions les plus intéressantes en vue de leur analyse. Les collaborations qui les exploitent ont publié des centaines d’articles scientifiques s’appuyant sur des données uniques dans tous les sens du terme.

Pourtant, la saga du LHC ne fait que commencer. La machine devrait fonctionner jusqu’à la fin de la décennie 2030 et près de 95 % du volume de données promis sont encore attendus. L’analyse des données recueillies jusqu’à présent, notamment en ce qui concerne les phénomènes liés au boson de Higgs, indique toutefois déjà la direction qu’un futur accélérateur devrait prendre.

Dans les semaines à venir, pour marquer les dix premières années de l’une des plus grandes entreprises scientifiques de l’humanité, nous publierons sur home.cern une série d’articles consacrés aux résultats de physique qui ont forgé notre compréhension de l’Univers, de l’étude du Modèle standard et de l’Univers primordial, aux nouvelles perspectives ouvertes par la découverte du boson de Higgs, en passant par les mystères de la matière noire, et plus encore. Célébrons ensemble les dix ans de la physique du LHC.


Entre-temps, les célébrations ont déjà commencé : le dernier numéro du CERN Courier contient plusieurs articles (en anglais) qui pourraient vous intéresser. « Bang, beam, bump, boson » décrit la vie à la barre du LHC ; « A labour of love » raconte la vie des expérimentateurs qui font fonctionner les énormes détecteurs ; et « LHC at 10: the physics legacy » présente un tableau détaillé des nouvelles connaissances acquises à partir de la théorie et de l’expérience.