Pour la première fois, des scientifiques ont mesuré le rayon d’un noyau de calcium constitué de 32 neutrons et ont montré que certaines théories de physique nucléaire ne décrivent pas les noyaux atomiques aussi bien qu’on ne le pensait.
L’étude, menée par des scientifiques du CERN travaillant auprès de l’installation ISOLDE, et publiée dans le dernier numéro de la revue Nature Physics, visait à déterminer si le calcium possède plus de deux nombres magiques.
On parle de nombres magiques lorsque le nombre de protons et le nombre de neutrons est tel que la liaison entre eux est particulièrement forte. Leur rayon de charge s’en trouve affecté.
Des indices observés précédemment semblaient indiquer que le calcium 52, isotope constitué de 20 protons et de 32 neutrons, était doublement magique, le nombre de protons et de neutrons étant tous les deux des nombres magiques. Pour le vérifier, l’équipe de chercheurs a entrepris d'examiner la manière dont se modifient les rayons des isotopes du calcium à mesure que des neutrons sont ajoutés. Le calcium possédant un nombre magique de 20 protons a déjà deux isotopes doublement magiques, à savoir ceux qui comportent soit 20, soit 28 neutrons. Des scientifiques ont trouvé des indices montrant que d’autres isotopes doublement magiques pourraient exister avec 32 ou 34 neutrons.
« Les isotopes doublement magiques que l’on connaissait déjà, à savoir le calcium 40 et le calcium 48, ont des rayons de charge similaires, plus petits que les isotopes voisins, car la liaison entre eux est particulièrement forte. Lorsque nous avons mesuré leur rayon de charge avec des nombres de neutrons plus élevés, nous avons constaté que celui-ci était de plus en plus grand. Sur la base d’observations faites sur d’autres noyaux doublement magiques, nous nous serions plutôt attendus à un fléchissement relatif du rayon de charge si le calcium 52 avait été doublement magique lui aussi. En fait, le rayon a augmenté, tout comme celui des autres noyaux non magiques de cette région de la carte des nucléides, explique Ronald Fernando Garcia Ruiz, chercheur responsable du projet.
Plusieurs modèles avaient déjà permis d’effectuer des calculs montrant ce qui se passerait, mais aucun n’avait prédit une augmentation du rayon aussi grande que ne l’a montré l’expérience. Des calculs faisant appel aux derniers modèles des interactions nucléaires et au supercalculateur Titan du Laboratoire national d’Oak Ridge, aux États-Unis, ont reproduit la similarité des rayons de charge pour le calcium 40 et le calcium 48, et ont mis en évidence une augmentation du rayon au-delà du calcium 48. Toutefois, comprendre l’écart important insoupçonné entre le rayon de charge du calcium 52 et celui du calcium 48 reste un défi sur le plan théorique.
« La théorie dont nous disposions jusqu’ici nous satisfaisait, car elle décrivait d’autres aspects des isotopes du calcium riches en neutrons. Mais tous les modèles théoriques utilisés sous-estimaient cette augmentation du rayon de charge. Nous avons mis en lumière des lacunes dans nos connaissances, souligne Ronald Fernando Garcia Ruiz.
Les chercheurs d’ISOLDE ont utilisé des lasers pour mesurer les modifications de l'énergie des électrons entourant le noyau, en fonction du nombre de neutrons de l’isotope du calcium. En faisant appel à leur connaissance des forces électromagnétiques et en mesurant l’importance de ces modifications, ils ont pu déterminer le rayon de charge du noyau.
Le déplacement entre deux isotopes étant si faible, la modification du rayon nucléaire n’a pu être démontrée qu’au moyen de techniques haute résolution.
L’étude effectuée auprès de l’installation COLLAPS d’ISOLDE a permis de mesurer cette modification avec la précision et la sensibilité les plus élevées jamais atteintes au moyen de techniques de détection optique.
L’équipe met actuellement au point une technique encore plus sensible, qui lui permettra d’étudier le rayon des noyaux du calcium au-delà du calcium 52, jusqu’au calcium 54.