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Coup de froid accéléré sur les antiprotons de BASE

L’expérience a développé un nouveau dispositif pour refroidir plus efficacement les antiprotons et augmenter considérablement la précision des mesures de leurs propriétés fondamentales

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Female physicist with a helmet in front of a silver cryostat surrounded by many cables and pipes

Barbara Latacz, physicienne à BASE, devant le cryostat de l’expérience. Ce cylindre maintenu à 4 kelvins (- 269°C) abrite le système de pièges qui refroidissent et mesurent les antiprotons et un puissant aimant. (Image : CERN)

L’étude des particules d’antimatière repose sur la capacité des expériences à les refroidir aux plus basses températures possibles. L’expérience BASE vient de franchir un nouveau cap en la matière. Dans un article publié par la revue Physical Review Letters, la collaboration présente un nouveau dispositif expérimental qui permet de réduire le temps de refroidissement d’un antiproton de 15 heures à seulement 8 minutes. Ce gain considérable permet de réaliser des mesures des propriétés fondamentales des antiprotons avec des précisions inégalées.

BASE, situé dans l’usine d’antimatière du CERN, est spécialisée dans l’étude des antiprotons en mesurant avec la plus grande précision possible leurs propriétés fondamentales comme le moment magnétique intrinsèque ou le rapport charge sur masse. En comparant ces mesures avec celles des protons, la collaboration fait progresser la compréhension de l’antimatière. L’un des objectifs est d’apporter des éléments de réponse à la question fondamentale de l’asymétrie entre matière et antimatière dans l’Univers.

Pour évaluer le moment magnétique des antiprotons, l’expérience mesure les fréquences de transition quantique du spin (spin-flip) d’antiprotons pris individuellement, ce qui est en soi une prouesse. Sous l’effet d’un champ magnétique, le spin de l’antiproton change en effet d’orientation, alternant de -1/2 à 1/2, ses deux valeurs possibles. Or cette mesure ne peut être réalisée qu’avec des antiprotons extrêmement froids. « Pour mesurer sans ambiguïté les fréquences de transition d’un antiproton, nous avons besoin de refroidir la particule en-dessous de 200 millikelvins », explique Barbara Latacz, auteure principale de l’étude.

L’ancien dispositif de BASE pouvait parvenir à ce résultat, mais au bout de 15 heures de refroidissement. « Comme nous avons besoin de réaliser 1 000 cycles de mesure, il aurait fallu trois années de mesures sans interruption, ce qui est irréaliste », poursuit Barbara Latacz. En réduisant le temps de refroidissement à 8 minutes, BASE peut maintenant obtenir l’ensemble des 1 000 mesures nécessaires en moins d’un mois et donc améliorer considérablement la précision. L’expérience annonce ainsi avoir réduit de trois ordres de grandeur le taux d’erreur sur la mesure de l’état de spin de l’antiproton.

Pour réaliser ses mesures, BASE utilise des antiprotons décélérés successivement par le décélérateur d’antiprotons (AD), puis l’anneau ELENA, avant d’en stocker une centaine dans un piège de Penning, qui les emprisonne au moyen de champs électriques et magnétiques. Un antiproton est extrait dans un système de deux pièges de Penning. Le premier piège mesure la température de la particule. Si elle est trop élevée, l’antiproton est transféré vers un second piège chargé de la refroidir. La particule fait ainsi des allers-retours jusqu’à ce que la température souhaitée soit atteinte.

L’élément clé de l’avancée annoncée par BASE tient dans l’amélioration du piège de refroidissement. Son diamètre à été réduit à seulement 3,8 mm, plus de deux fois plus petit que dans les expériences précédentes. Il a été doté d’un système innovant d’électrodes segmentées pour diminuer plus efficacement l’amplitude de l’une des oscillations de l’antiproton, celle du mode cyclotron. La « température » de l’antiproton est en effet corrélée aux oscillations de la particule dont plusieurs modes se superposent. Le mode cyclotron, lié au mouvement de la particule dans un champ magnétique, doit être réduit pour réaliser la mesures de l’état de spin. L’électronique de lecture a par ailleurs été optimisée pour réduire le bruit de fond, lequel se traduit sous forme de perturbations et donc de chaleur pour l’antiproton. Le temps passé par l’antiproton dans le piège de refroidissement à chaque cycle est ainsi passé de 10 minutes à 5 secondes. Des améliorations supplémentaires du piège de mesure ont également permis de diviser par quatre le temps de la mesure.

Grâce à son nouveau dispositif, BASE entend améliorer encore ses propres records de précision. « Nous avons pu comparer le moment magnétique de l’antiproton et du proton jusqu’au milliardième. Notre nouveau dispositif va nous permettre de descendre jusqu’au dixième ou au centième de milliardième, se félicite Stefan Ulmer, porte-parole de BASE. Le moindre écart pourra contribuer à résoudre ce mystère qu’est le déséquilibre entre matière et antimatière dans l’Univers. »

Interview de Barbara Latacz, physicienne de l'expérience BASE (en anglais). (Video: CERN)