Le Télescope solaire à axions du CERN (CAST) utilise un prototype d'aimant dipolaire (développé à l'origine pour le LHC) pour détecter d'hypothétiques particules exotiques, appelées axions et caméléons, que l'on suppose émises par le cœur du Soleil. Dimanche, comme cela se produit une fois par an, le Soleil s'est trouvé aligné avec le trou noir situé au centre de la Voie lactée, notre galaxie. Jamais auparavant les chercheurs du télescope CAST n'avaient tenté de détecter les nouvelles particules qui pourraient avoir été émises par ce trou noir ou dans ses environs.
« Cela fait des années que nous cherchons des particules exotiques provenant du Soleil, mais une fois par an, nous pouvons regarder au-delà du Soleil et voir si quelque chose d'autre nous parvient du centre de la galaxie », explique Konstantin Zioutas, porte-parole de l'expérience.
Les axions et les caméléons sont étudiés parce que ces particules pourraient nous aider à comprendre la matière noire et l'énergie noire, deux questions majeures de la physique contemporaine. L'alignement permet aux chercheurs d’utiliser le Soleil comme s’il faisait partie de leur équipement, en se servant de sa force gravitationnelle comme d’une lentille permettant de faire converger des particules exotiques à faible vélocité telles que les axions. Ce phénomène est connu sous le nom d'effet lenticulaire gravitationnel.
« Le centre de la galaxie pourrait être une source de particules exotiques, que nous savons dorénavant détecter et qui pourraient nous en apprendre beaucoup plus qu'auparavant sur l'Univers sombre. Le Soleil peut, tel une lentille, renforcer le flux d'un courant exotique de faible intensité d'un facteur d'environ un milliard, à condition que celui-ci soit aligné avec le système Soleil-Terre », ajoute Konstantin Zioutas.
Ce n'est pas la première fois qu'une expérience tente de mesurer des particules exotiques en provenance d'un trou noir, mais c'est la première fois que l'on espérait voir ces particules interagir avec le champ magnétique de l'aimant de CAST, pour pouvoir ensuite les observer en aval avec le détecteur à rayons X InGRID. L'équipe espère également pouvoir mesurer pour la première fois l’interaction directe de ces particules avec la matière. Ce type d’interaction est essentiel pour les particules dont est peut-être constituée l'énergie noire, comme les caméléons.
« Jusqu'à présent il était impossible de détecter des particules à travers leur interaction directe et spécifique avec la matière car nous n’avions pas l'équipement nécessaire. Nous avons ainsi construit un détecteur spécial, le capteur de force opto-mécanique KWISP (Kinetic Weakly Interacting Slim Particle detector) », explique Giovanni Cantatore, porte-parole adjoint de CAST.
Pour mesurer ces interactions, les chercheurs ont dû trouver un moyen de détecter les forces infinitésimales, plus légères qu'une bactérie, qui sont produites lorsque les caméléons viennent rebondir sur la matière.
« KWISP utilise une membrane spéciale jouant le rôle de capteur opto-mécanique, un peu comme la peau d'un tambour. Lorsqu'un caméléon vient frapper la membrane, celle-ci vibre à une fréquence que nous pouvons déterminer en utilisant un dispositif de hachage (chameleon chopper) que nous avons inventé à cet effet », ajoute Giovanni Cantatore.
L’expérience CAST a commencé à analyser les données récoltées le 18 décembre. Les premiers résultats suggèrent toutefois que les chercheurs ne sont pas parvenus à observer de nouvelles particules provenant du trou noir. L'équipe va maintenant commencer à se préparer pour l’alignement de l'année prochaine, qui comprendra aussi la Lune.
« L'expérience s'est très bien déroulée et les discussions à propos des premières données en ligne ont déjà commencé », conclut Konstantin Zioutas.