Le LHC à haute luminosité (HL-LHC) sera une amélioration majeure du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Le LHC fait entrer en collision des protons à une énergie allant jusqu’à 14 TeV, le but étant d’étudier les composants fondamentaux de la matière et les forces qui les maintiennent ensemble. Avec le LHC à haute luminosité, il sera possible de mener des études plus fines grâce à l'augmentation du nombre de collisions d'un facteur compris entre 5 et 7,5 par rapport à la conception nominale du LHC.
Prototype d'un aimant quadripolaire pour le LHC à haute luminosité. (Image : Robert Hradil, Monika Majer/ProStudio22.ch)
Qu'est ce que la luminosité ?
La luminosité instantanée est une mesure du nombre de collisions potentielles par unité de surface (ou section efficace) sur une période de temps donnée. C'est un indicateur essentiel de la performance d’un accélérateur. La luminosité intégrée, quant à elle, correspond au volume de données collectées et se définit comme l'intégrale temporelle de la luminosité instantanée, mesurée en femtobarns inverses (fb-1). Si l'on suppose une section efficace totale nominale des protons au LHC, pour une énergie de 7 TeV, de 100 mbarns, alors une luminosité intégrée d'un femtobarn inverse correspond à 100 millions de millions de collisions.
À la fin de ses premières années d'exploitation à 13 TeV (fin 2018), le LHC avait produit un peu plus de 160 femtobarns inverses de données. Le HL-LHC produira plus de 250 femtobarns inverses de données chaque année, et pourra collecter jusqu'à 4 000 femtobarns inverses pendant les 12 ans que durera sa période d'exploitation.
Pourquoi « haute luminosité » ?
Les scientifiques s'intéressent à des phénomènes qui ont de très faibles probabilités de se produire. C'est pourquoi ils ont besoin d'une grande quantité de données pour les détecter. L'augmentation de la luminosité permettra de produire davantage de données ; on pourra ainsi étudier plus en détail les mécanismes connus et observer d'éventuels nouveaux phénomènes rares. À titre d’exemple, le LHC à haute luminosité produira chaque année au moins 15 millions de bosons de Higgs, contre environ trois millions pour le LHC en 2017.
Comment fonctionnera le LHC à haute luminosité ?
L'augmentation de la luminosité implique l'augmentation du nombre de collisions : au moins 140 collisions se produiront chaque fois que deux paquets de particules se rencontreront au cœur des détecteurs ATLAS et CMS, contre environ 40 actuellement. Pour parvenir à ce résultat, le faisceau devra être plus intense et plus concentré que celui du LHC actuel. De nouveaux équipements devront être installés sur environ 1,2 km (la circonférence du LHC est de 27 km).
- Des aimants de focalisation plus puissants et une nouvelle optique
De nouveaux aimants supraconducteurs quadripolaires, plus puissants, seront installés de part et d'autre des expériences ATLAS et CMS afin de concentrer les paquets de particules avant la collision. Ces aimants seront faits d'un composant supraconducteur novateur, à base de niobium-étain [Nb3Sn], utilisé pour la première fois dans un accélérateur. Ce composé permettra d'atteindre des champs magnétiques plus élevés (12 Tesla au lieu de 8) que l'alliage niobium-titane utilisé dans les aimants actuels du LHC. Vingt-quatre nouveaux aimants quadripolaires sont en cours de production ; six d'entre eux seront installés de chaque côté des expériences opérant à haute luminosité, ATLAS et CMS. L'utilisation d'aimants en niobium-étain sera l'occasion de développer cette technologie pour des applications à large échelle au sein de futurs accélérateurs. Une nouvelle optique de faisceau (dispositif d’inclinaison et de focalisation des faisceaux) permettra entre autres de maintenir un taux de collision constant durant tout le temps où les faisceaux seront en collision.
- Des « cavités-crabe » pour orienter les faisceaux
Les particules circulent dans le LHC sous forme de paquets séparés, d’environ 30 cm de long. Des cavités supraconductrices de conception innovante communiqueront une impulsion transversale aux paquets de particules avant qu’ils ne se croisent, de manière à élargir la surface de recouvrement de deux paquets pour augmenter la probabilité de collisions. Au total, seize cavités-crabe seront installées de part et d’autre des expériences ATLAS et CMS.
- Une protection de la machine renforcée
Les faisceaux contiendront plus de particules et par conséquent près du double de l’énergie présente dans le faisceau actuel ; la protection de la machine devra donc être renforcée. Une centaine de nouveaux collimateurs, plus efficaces, viendront remplacer ou compléter les collimateurs existants. Les collimateurs absorbent les particules qui s’échappent de la trajectoire du faisceau et pourraient ainsi abîmer la machine.
- Des collimateurs à cristaux
De nouveaux collimateurs à cristaux seront installés dans les insertions de nettoyage de faisceau pour améliorer l’efficacité de celles-ci lors des exploitations avec faisceaux d’ions. Sans ces collimateurs, les intensités de faisceau plus élevées propres à ce mode d’exploitation provoqueraient des pertes d’un niveau inacceptable dans les aimants supraconducteurs.
- Des liaisons supraconductrices innovantes
Des liaisons électriques supraconductrices innovantes relieront les convertisseurs de puissance aux nouveaux aimants de l’accélérateur. Ces câbles d’une centaine de mètres de long sont formés d’un matériau supraconducteur innovant, le diborure de magnésium, dont la température critique est plus élevée que celle des aimants, si bien qu’ils pourront être refroidis, à moindre coût énergétique, au moyen d'hélium gazeux. Une fois refroidis en dessous de 50 Kelvin, ils pourront transporter des courants pouvant atteindre 100 000 ampères.
- Une chaîne d’accélération rénovée
Les performances du HL-LHC reposeront sur la chaîne d’injecteurs, c'est-à-dire les quatre machines qui pré-accélèrent les faisceaux avant de les envoyer dans l’anneau de 27 kilomètres du LHC. La chaîne d'accélérateurs a été mise à niveau durant le deuxième long arrêt du LHC, de 2018 et 2021.
Quel est le calendrier des travaux ?
Pour l’installation du nouvel équipement et le réaménagement de certains éléments, de nouvelles structures souterraines et de nouveaux bâtiments de surface seront nécessaires.
Les travaux de génie civil ont commencé en avril 2018 sur les sites de l’expérience ATLAS à Meyrin, en Suisse (point 1 du LHC), et de l’expérience CMS à Cessy, en France (point 5 du LHC). Sur chaque site, un puits d’environ 80 mètres de profondeur a été creusé ainsi qu’une caverne souterraine et une galerie de service d’une longueur de 300 mètres. La galerie de service est reliée au tunnel du LHC par quatre tunnels de liaison et 12 tubes verticaux pour chacune des deux expériences à haute luminosité, ATLAS et CMS. Les quatre liaisons principales entre les anciennes et les nouvelles infrastructures sont en place depuis 2019. Cinq bâtiments de surface seront construits sur chaque site et accueilleront l'infrastructure nécessaire pour l'électricité, la cryogénie et les systèmes de refroidissement-ventilation pour le nouvel équipement.
La fabrication de cet équipement est en cours, en Europe, au Japon, aux États-Unis et en Chine. Le Canada contribuera également à la production de ce matériel de pointe. Les expériences aussi préparent des améliorations majeures, qui permettront de faire face au déluge de données annoncé.
L'installation des premiers éléments (collimateurs à cristaux, instrumentation de faisceau, autres collimateurs et blindage) s'est déroulée durant le deuxième long arrêt. Cependant, la plupart de l'équipement et les améliorations des expériences seront installés durant le troisième long arrêt, qui aura lieu entre 2026 et 2028.
Combien coûtera le LHC à haute luminosité ?
Le budget du matériel pour l'accélérateur est fixé à environ un milliard de francs suisses sur la période 2015-2028. Cela inclut de nombreuses contributions en nature venant de laboratoires partenaires.
Qui est impliqué dans le projet ?
Le CERN et ses États membres et États membres associés sont appuyés par une collaboration internationale de 43 institutions réparties dans 19 pays, notamment les États-Unis, le Canada, le Japon et la Chine.
Quel sera le bénéfice pour la société ?
Le HL-LHC permettra l'approfondissement de nos connaissances fondamentales, ce qui est la mission principale du CERN. Pour développer le projet LHC à haute luminosité, le CERN repousse les limites de la technologie dans plusieurs domaines : génie électrique – notamment supraconducteurs – technologies du vide, informatique, électronique, et même procédés industriels. À long terme, ces innovations auront des retombées positives pour notre quotidien.
Par exemple, les aimants supraconducteurs ont des applications dans les domaines de l'imagerie médicale et du traitement du cancer au moyen de faisceaux de particules (hadronthérapie). De nombreuses perspectives s'ouvrent également dans le secteur du génie électrique : ainsi, l'industrie européenne étudie la possibilité d'utiliser des câbles en diborure de magnésium pour l'acheminement de grandes puissances électriques sur de longues distances, de façon durable du point de vue de l'environnement.
Le projet HL-LHC contribue également à la formation de nouvelles générations de physiciens, d’ingénieurs et de techniciens. Actuellement, plus de 200 étudiants de bachelor et de master, de doctorants, de post-doctorants et de boursiers, représentant 23 nationalités différentes, participent à ce projet.
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Brochure HL-LHC (version imprimable du texte ci-dessus)
CERN Communiqué de presse, 15 juin, 2018 : Début des travaux visant à doper la luminosité du LHC