L’expérience ALICE
ALICE (A Large Ion Collider Experiment) est un détecteur spécialisé dans la physique des ions lourds auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC). Il a été conçu pour étudier les propriétés physiques de la matière soumise à l’interaction forte, à des densités d’énergie extrêmes auxquelles se forme une phase de la matière appelée plasma quarks-gluons.
Le détecteur ALICE pèse 10 000 tonnes et mesure 26 mètres de long, 16 mètres de haut et 16 mètres de large. Il est installé dans une vaste caverne située à 56 mètres sous terre, à proximité du village de Saint-Genis-Pouilly (France), où il reçoit les faisceaux du LHC.
La collaboration compte près de 2 000 scientifiques représentant 174 instituts de 40 pays (avril 2022).
Améliorations réalisées pendant le LS2
1. Amélioration de la chambre à projection temporelle (TPC)
La chambre à projection temporelle (TPC) d'ALICE est un imposant cylindre de 88 m3 pesant 15 tonnes et mesurant 5,1 mètres de long et 5,6 mètres de diamètre, rempli de gaz et équipé de détecteurs pour la lecture du signal, qui suivent les trajectoires des particules en trois dimensions. Les 72 détecteurs ou chambres proportionnelles multifils – des plaques situées aux extrémités du cylindre – ont été remplacés par des systèmes à multiplicateurs d'électrons dans le gaz (GEM), une structure à micro-motif développée au CERN.
Ces systèmes, associés à une nouvelle électronique de lecture assurant une lecture continue, permettront à ALICE d'enregistrer les informations relatives à toutes les traces produites dans des collisions plomb-plomb à un débit de 50 kHz, augmentant d'un facteur 100 la vitesse d'acquisition des données du détecteur.
2. Nouveau système de trajectographie interne (ITS)
Le tout nouveau système de trajectographie interne est inséré entre le tube de faisceau et la chambre à projection temporelle (TPC). Il améliore la capacité du détecteur ALICE de localiser et reconstruire les trajectoires des particules à courte durée de vie.
Composé de 12,5 milliards de capteurs monolithiques à pixels actifs au silicium, disposés en sept couches sur une surface totale d'environ 10 m2, c'est le plus grand détecteur à pixels jamais construit.
L'amélioration actuelle s'appuie sur de nouveaux capteurs à pixels nommés ALPIDE, également installés dans le nouveau trajectographe aux petits angles pour les muons (MFT) (voir plus bas). Chacune des puces ALPIDE contient plus d'un demi-million de pixels, sur une surface de 15 × 30 mm2, et produit une résolution remarquable, environ 5 μm des deux côtés ; c'est là le secret des performances améliorées du sous-détecteur.
3. Nouveau trajectographe aux petits angles pour les muons (MFT)
Le trajectographe aux petits angles pour les muons (MFT) est le nouveau trajectographe au silicium haute résolution d'ALICE. Installé à l'avant du spectromètre à muons, le MFT élargit les mesures de précision du plasma quarks–gluons à la région de rapidité proche de l'axe du faisceau. Il s'agit d'un détecteur à pixels de 0,5 m² constitué de plus de 1 000 capteurs en silicium. Comme le nouveau système de trajectographie interne (voir plus haut), le nouveau MFT utilise lui aussi la technologie de capteurs à pixels ALPIDE. Chaque puce contient un demi-million de pixels, sur une surface active de 4,5 cm², ce qui constitue une densité en pixels élevée, se traduisant par une résolution accrue permettant des mesures de haute précision des traces des particules.
Le détecteur ALICE est désormais à même de tirer parti des nouvelles perspectives de résultats de physique ouvertes par la luminosité accrue du LHC.
4. Nouveau détecteur d'interactions à déclenchement rapide (FIT)
Le nouveau détecteur d'interactions à déclenchement rapide (FIT) d'ALICE est à la fois un détecteur à déclenchement plus rapide, un luminomètre en direct, un indicateur initial de la position du vertex et un compteur de multiplicité aux petits angles. En mode hors ligne, il donne le moment exact de la collision pour l'identification du temps de vol des particules. Il détermine également la centralité et le plan de l'événement et mesure la section efficace des processus diffractifs.
Le FIT repose sur trois technologies de détection dernier cri constituées d'éléments groupés en cinq ensembles autour de la ligne de faisceau du LHC, à respectivement -1, +3, +17 et -19 mètres du point d'interaction.
5. Nouveau tube de faisceau d'un diamètre plus petit
Du fait du remplacement du système de trajectographie interne, il a fallu installer un tube de faisceau d'un diamètre plus petit dans la chambre existante.
Cette chambre à vide centrale est constituée de béryllium, un métal qui a la particularité d’être très léger, très résistant et transparent aux particules. Le nouveau tube de faisceau mesure environ un mètre de long, 36,4 mm de diamètre, contre 50 auparavant, et a une épaisseur de 0,8 mm, à la limite de ce qu'il est possible d'obtenir avec la technologie actuelle.
Grâce à ce nouveau tube, il sera possible de déterminer avec une plus grande précision la position du point d'interaction, ce qui permettra de détecter les particules ayant une durée de vie plus courte, c'est-à-dire celles qui se désintègrent plus près du point d'interaction.
6. Nouveau système de lecture
Le nouveau détecteur amélioré ALICE possède près de 13 milliards de composants électroniques de détection qui sont lus en permanence, générant un flux de données de plus de 3,4 téraoctets par seconde. Pour pouvoir traiter un flux aussi important, un nouveau système informatique dit O2 (Online-Offline) a été déployé.
Une fois le traitement de premier niveau passé, le flux passe à 600 gigaoctets par seconde. Ces données sont analysées en ligne sur une ferme de calcul haute performance faisant intervenir 250 nœuds, équipés chacun de huit processeurs graphiques (GPU) et deux processeurs centraux (CPU) 32 cœurs. La plupart des logiciels qui permettent, en assemblant les signaux individuels des détecteurs de particules, de reconstruire les trajectoires des particules (reconstruction d'événements) ont été adaptés pour pouvoir fonctionner avec des GPU.