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L’expérience CLOUD résout l’énigme de la formation de nouvelles particules d’aérosol dans la troposphère supérieure

Selon une récente étude de la collaboration CLOUD au CERN, l’isoprène émis par les forêts tropicales pourrait être une source importante, à l’échelle mondiale, d’aérosols influant sur les nuages

The CLOUD experiment at CERN (Image: CERN)

The CLOUD experiment at CERN (Image: CERN)

Dans une étude publiée aujourd’hui dans la revue Nature, la collaboration CLOUD au CERN révèle une nouvelle source de particules d’aérosol atmosphériques, qui pourrait contribuer à affiner les modèles climatiques.

Les aérosols sont de minuscules particules en suspension dans l’atmosphère issues aussi bien de sources naturelles que de sources anthropiques. Ils jouent un rôle important dans le système climatique de la Terre, car ils peuvent conduire à la formation de nuages et influencer la réflectivité et la couverture de ceux-ci. La plupart des aérosols proviennent de la condensation spontanée de molécules présentes dans l’atmosphère, et ce, même à des concentrations très faibles. Cependant, les vapeurs responsables de leur formation ne sont pas bien connues, en particulier celles présentes dans la troposphère supérieure lointaine.

L’expérience CLOUD (Cosmics Leaving Outdoor Droplets) du CERN est conçue pour étudier la formation et la croissance des particules d’aérosol atmosphériques dans un environnement contrôlé en laboratoire. Elle comprend une chambre ultra-propre de 26 m3 et un ensemble d’instruments de pointe qui analysent son contenu en permanence. La chambre contient un mélange de gaz sélectionnés avec soin dans des conditions atmosphériques, dans lequel des faisceaux de pions chargés sont envoyés depuis le Synchrotron à protons du CERN afin de reproduire l’influence des rayons cosmiques galactiques.

« Depuis une vingtaine d’années, on observe de hautes concentrations d’aérosols en altitude au-dessus de la forêt amazonienne, mais la source de ces particules restait jusqu’à présent une énigme, explique Jasper Kirkby, porte-parole de CLOUD. Notre dernière étude montre qu’elles proviennent de l’isoprène émis par la forêt tropicale, qui s’élève dans des nuages de convection profonde à de hautes altitudes, où il s’oxyde pour former des vapeurs hautement condensables. L’isoprène constitue une source importante de particules biogéniques, tant dans l’atmosphère actuelle que dans celle de l’ère préindustrielle, source qui fait actuellement défaut dans les modèles de chimie atmosphérique et les modèles climatiques. »

L’isoprène est un hydrocarbure composé de cinq atomes de carbone et huit atomes d’hydrogène. Émis par des arbres latifoliés et d’autres végétaux, c’est, en dehors du méthane, l’un des hydrocarbures les plus abondants qui soient libérés dans l’atmosphère. Jusqu’à présent, on estimait que la capacité de l’isoprène à former de nouvelles particules était négligeable.

Les résultats de l’expérience CLOUD viennent changer la donne. En étudiant comment les radicaux hydroxyles réagissent avec l’isoprène aux températures de la troposphère supérieure, comprises entre -30 °C et -50 °C, la collaboration a découvert que les produits de l’oxydation de l’isoprène forment d’abondantes particules à des concentrations ambiantes d’isoprène. Cette nouvelle source de particules d’aérosol n’implique pas de vapeurs supplémentaires. Cependant, quand de très faibles doses d’acide sulfurique ou d’oxoacides d’iode sont introduites dans la chambre de CLOUD, on observe une multiplication par cent du taux de formation d’aérosol. Bien que l’acide sulfurique soit principalement issu d’émissions de dioxyde de soufre anthropique, les concentrations d’acide utilisées par l’expérience CLOUD peuvent aussi provenir de sources naturelles.

En outre, l’équipe a découvert que les produits de l’oxydation d’isoprène entraînaient une croissance rapide des particules, leur faisant atteindre une taille à laquelle elles peuvent contribuer à la formation de nuages et influencer le climat, un comportement qui persiste en présence d’oxydes d’azote produits par la foudre à des concentrations que l’on trouve dans la troposphère supérieure. Après s’être développées de façon continue et être descendues à des altitudes plus basses, ces particules peuvent contribuer de façon importante, à l’échelle mondiale, à la formation de nuages continentaux ou marins peu profonds, ce qui a une influence sur l’équilibre radiatif de la Terre (la quantité de rayonnements solaires entrants comparée aux rayonnements à grande longueur d’onde sortants).

« Cette nouvelle source de particules biogéniques présente dans la troposphère supérieure pourrait influer sur l’estimation de la sensibilité du climat terrestre, puisque cela signifie qu’une plus grande quantité de particules d’aérosol ont été produites dans l’atmosphère pure de l’ère préindustrielle qu’on ne le pensait initialement, ajoute Jasper Kirkby. Cependant, tant que nos résultats n’auront pas été évalués dans des modèles climatiques mondiaux, il n’est pas possible de quantifier cet effet. »

Les découvertes de CLOUD concordent avec les observations faites par avion au-dessus de l’Amazonie, comme il est rapporté dans une étude accompagnant le même numéro de la revue Nature. Ces deux études combinées donnent une image convaincante de l’importance de la formation d’aérosols issus de l’isoprène et de sa pertinence pour l’atmosphère.

Depuis le début de son exploitation en 2009, l’expérience CLOUD a mis au jour plusieurs processus de formation et de croissance des particules d’aérosol dans différentes régions de l'atmosphère terrestre.

 « En plus d’aider les spécialistes du climat à comprendre le rôle essentiel joué par les aérosols dans le climat terrestre, les nouveaux résultats de CLOUD démontrent la richesse et la diversité du programme scientifique du CERN, ainsi que le potentiel de la science s’appuyant sur des accélérateurs pour répondre aux défis sociétaux », souligne Joachim Mnich, directeur de la recherche et de l’informatique du CERN.

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