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Un début encourageant pour la troisième période d’exploitation

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Mike Lamont is Director for Accelerators and Technology

En cette période difficile, il est rassurant de voir que le complexe d'accélérateurs du CERN est à nouveau en pleine exploitation, et permet l'acquisition de données de physique par les expériences auprès d'ISOLDE et de HIE-ISOLDE, de n_TOF, de l'AD-ELENA, de la zone Est, de la zone Nord, d'AWAKE, de HiRadMat, de CLEAR et, bien sûr, du LHC (et ce, malgré l'arrêt non planifié en cours), sans oublier le magnifique travail accompli sur les faisceaux test et dans les installations d'irradiation.

Côté LHC, après une période intense de remise en service avec faisceau, de premières collisions avec détecteurs en fonctionnement ont eu lieu le lendemain de la célébration du 10e anniversaire de la découverte du boson de Higgs, bonne occasion de faire partager au public l'enthousiasme qui accompagne la recherche passée, présente et future au LHC et ailleurs. La période des premiers faisceaux stables a été suivie d'une période alternant travaux de mise en service et montée en intensité. Chaque année, on procède avec soin à une augmentation progressive du nombre de paquets par faisceau, qui donne lieu à une validation par le Comité de protection de la machine après un temps déterminé et un certain nombre de remplissages avec une configuration donnée. Cette année, le LHC est passé en l'espace de cinq semaines et demi par les étapes de 72, 315, 603, 987, 1 227, 1 551, 1 935, 2 173 et enfin 2 413 paquets par faisceau, le premier remplissage à 1 227 paquets ayant été effectué le 29 juillet, avec quelques jours d'avance. Tout s'est bien déroulé, malgré quelques complications, comme toujours, et on a atteint le 12 août les 2 440 paquets par faisceau.

L'expérience nous a appris que la première année d'exploitation avec faisceau après un arrêt de trois ans peut rencontrer quelques difficultés. Les difficultés attendues sont en particulier des transitions résistives supplémentaires lors de l'entraînement des aimants principaux, car la machine est maintenant exploitée à 6,8 TeV, ainsi que les nuages d'électrons et les objets tombants non identifiés (les fameux « UFO »).

L'équipe chargée du vide s'attendait à des écrans de faisceau complètement déconditionnés et prévoyait repartir de zéro avec une campagne de réduction du nuage d'électrons. Un programme complet de « nettoyage » est parvenu à ramener l'intensité du nuage d'électrons à des niveaux acceptables ; de nouvelles opérations de conditionnement sont prévues pendant les longues périodes d'exploitation pour la physique à haute intensité. Là, le principal problème vient du système cryogénique et de la charge thermique occasionnée par le nuage d’électrons : c'est une vraie limite opérationnelle à l'intensité maximum qui peut être supportée par le LHC.

Après le deuxième long arrêt, nous nous attendions à avoir beaucoup d'UFO, qui ont été une vraie plaie en 2015. Nous n'avons pas été déçus, mais heureusement, les choses sont rapidement rentrées dans l'ordre et le nombre d'événements, initialement élevé, s'est réduit. Même si, encore maintenant, les UFO sont à l'origine occasionnellement d'arrêts prématurés du faisceau, grâce à une gestion attentive des seuils de perte de faisceau, ils ne constituent plus un handicap.

Parallèlement, il a fallu procéder au réglage et au débogage de systèmes étendus et complexes. Comparée aux valeurs impressionnantes atteintes vers la fin de la deuxième période d'exploitation, la disponibilité de faisceau a été moyenne.

La performance en luminosité a été tout simplement fantastique. À la suite des améliorations apportées par le programme LIU, les injecteurs fournissent un faisceau de haute qualité, avec une dimension de faisceau transversale inférieure. Des procédures bien rodées et une excellente maîtrise des paramètres dans le LHC ont permis d'exploiter pleinement le potentiel des injecteurs. Pour l’heure, l'équipe Opérations travaille encore aux alentours de la densité en paquets nominale, mais il sera possible d'aller encore nettement plus loin. Cette excellente performance d'ensemble est le résultat d'un investissement continu dans le matériel, les connaissances, les outils, le développement de la machine, la physique des accélérateurs, la maîtrise des caractéristiques optiques magnétiques de la machine, les systèmes des accélérateurs tels que l'instrumentation et les services techniques, et aussi d'un travail acharné.

Même si le LHC a le potentiel d'une luminosité beaucoup plus élevée, la luminosité de crête pour la troisième période d'exploitation est limitée à environ 2e34 cm-2s-1 en raison de la charge thermique provenant des débris de luminosité qui viennent impacter les triplets internes supraconducteurs. Les techniques de limitation de la luminosité consistent à opérer un déplacement transversal ou à faire varier la dimension des faisceaux au point d'interaction. De nouveaux outils sophistiqués ont été déployés ; ils permettent de réduire la dimension du faisceau dans les faisceaux stables (nivellement par beta*) afin de garder la luminosité au niveau maximum aussi longtemps que possible.

Avec une disponibilité raisonnable et quelques longs remplissages, les taux de production ont été bons, et quelque 11 fb-1 avaient été livrés à ATLAS au 23 août. Cependant, même si la courbe de la luminosité monte en flèche, il ne faut pas extrapoler, pour ne pas encourir la colère des dieux des accélérateurs. Nous avions prévu des transitions résistives pendant l'entraînement, des UFO, une charge thermique liée au nuage d'électrons, des opérations de débogage des systèmes, mais nous avons été pris de court par ce qui s’est passé le 23 août.

Un problème de contrôle-commande d'une tour de refroidissement a temporairement mis hors d'usage la cryogénie du point 4. Ici, le système cryogénique refroidit non seulement les aimants, mais aussi les cavité RF supraconductrices. À la suite de l'incident, l'hélium liquide dans les cryomodules des cavités RF s'est échauffé et s'est vaporisé, ce qui a entraîné une augmentation de la pression à l'intérieur des modules. Cette situation avait été prévue, et des soupapes sont en place pour le cas où la pression monterait au-delà d'un certain niveau pour éviter tout dommage aux cavités RF. En deuxième ligne, pour la protection contre les surpressions, les cryomodules comportent des disques de rupture fins en graphite, conçus pour céder lorsque la pression dépasse la valeur à laquelle se déclenchent les soupapes.

Le 23 août, les soupapes se sont ouvertes normalement. Malheureusement, une petite surpression, pourtant inférieure au niveau de déclenchement des disques de rupture, a déclenché l'ouverture de trois de ces disques (sur un total de seize). Un groupe d'étude était déjà en place et une enquête approfondie avait été effectuée à la suite d'un incident similaire déjà survenu cette année ; des mesures appropriées ont déjà été planifiées pour le prochain arrêt technique de fin d'année.

La rupture d'un disque fait pénétrer de l'air dans les modules, et 10 jours sont alors nécessaires pour réchauffer les cavités et évacuer toute l’humidité ; celles-ci doivent ensuite être refroidies et reconditionnées. La fin de la période de remise en état coïncidant avec un arrêt technique planifié de cinq jours, nous espérons avoir de nouveau une machine avec faisceau aux alentours du 17 septembre.

L'équipe chargée de la cryogénie a mis au point un mode « économie d'énergie », et est en mesure de basculer en une journée sur une configuration comportant moins d’unités actives, permettant d'économiser autour de 9 MW. Ce mode est utilisé pendant la période de mise en service avec faisceau et pour les campagnes avec ions, moments où la pleine capacité de refroidissement du système n'est pas requise. Ce mode a été déployé immédiatement pour toute la durée de la remise en état des cavités RF.

Malgré cet incident, la performance du LHC, et, plus largement, de tout le complexe d'accélérateurs est très encourageante et augure bien de la troisième période d'exploitation, qui promet d'être fructueuse. Que ces machines vieilles de plusieurs décennies (le PS fête ses 63 ans cette année !) et que les installations associées continuent à produire de la physique aux limites de leurs capacités est une démonstration éclatante de l'engagement et de l'ingéniosité de toutes les personnes concernées.